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LES TICE

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30 juin 2000

Regards sur les TICE

Forum: vos réactions, vos expériences

Les technologies de l'information et de la communication

pour l'enseignement (Tice) bouleversent déjà les pratiques.

Les approches sont diverses.

Aussi, Profession Éducation donne-t-il la parole à divers acteurs de l'École et à un sociologue.

Des enjeux importants se profilent,les "marchands d'éducation" sont déjà sur les rangs.

L'Éducation nationale doit relever le défi en misant sur l'avenir et en se donnant les moyens pour la réussite de tous.

Pari sur l'avenir

 

Les nouvelles technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement (Tice) bouleversent-elles déjà le système éducatif ? Il est encore trop tôt pour répondre de façon précise à cette question et surtout pour présumer de la relation entre l'enseignant et l'enseigné. Ce dossier, loin de se vouloir exhaustif, en est une première approche, partielle et partiale. En posant la question des Tice, on peut poser plusieurs problèmes : égalité des élèves et des étudiants sur l'ensemble du territoire en fonction du degré d'équipement ; égalité des élèves et des étudiants entre eux, dans un même lieu ; formation initiale et continue des personnels à ces nouvelles technologies ; maîtrise des outils par les enseignants ; maintenance et type de personnels qui en est chargé.

 

Les Tice : mythe ou nécessité, facteur de transformation du métier et du rapport au(x) savoir(s) ? Faut-il en avoir peur ou s'en réjouir ? Il y a ceux qui objecteront que ces nouvelles technologies vont permettre au marché de s'emparer du système éducatif. Il y a ceux, comme le Sgen-CFDT, qui considèrent que c'est une nouvelle chance pour l'École et que l'enseignant, dispensateur du savoir, deviendra plus facilement organisateur du savoir. Il y a ceux qui ne jureront que par ces outils pendant que d'autres les voueront aux anathèmes. L'Éducation nationale a déjà compris une part des enjeux mais ne s'est pas vraiment dotée de tous les moyens nécessaires pour répondre au défi. Ce dossier donne la parole à des enseignants, mais aussi à un sociologue. Ils parlent de leur vécu, de leur approche de l'outil, de ce que cela a modifié dans leur façon d'enseigner et dans la façon dont les élèves ou étudiants réagissent. Le métier enseignant de demain se construit aujourd'hui et doit se construire avec vous !

Michel Debon

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ÉGAUX DEVANT LES TICE

Lors des journées de l'Observatoire des zones prioritaires en mai 2000, un des ateliers a été consacré à l'utilisation des technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement (Tice). D'où cette question prégnante : comment éviter que l'inégalité scolaire, et ultérieurement dans l'accès à l'emploi, ne se développe davantage entre ceux qui ont accès à l'informatique dans leur famille et les autres ? Déjà certains enfants arrivent au CP avec une pratique informatique, des élèves disposent chez eux de cédéroms de soutien scolaire, d'autres utilisent Internet pour préparer exposés, travaux écritsÉ D'autant que la pratique des Tice peut être source de plaisir ou d'exclusion par la nature même des dispositions, capacités, envies qu'elle implique, en particulier :

¥ un travail de plus en plus abstrait et interactif avec ses caractéristiques propres : savoir lire rapidement et globalement une page, respecter un timing, supporter un apprentissage long, etc.

¥ la gestion de l'abondance, du temps, de l'espace, de la transparence, etc.

L'École se trouve aujourd'hui devant la même responsabilité que dans le passé face à l'absence de livres dans les familles. Comment contourner l'obstacle ?

¥ en développant des coopérations dans l'École et en mettant en place des dispositifs périphériques (ateliers sur le temps de midi, après 16h30, pendant les vacances) avec l'appui des aides éducateurs.

¥ en proposant aux jeunes des activités multiples, afin qu'ils utilisent les ordinateurs le plus souvent possible : jeux, recherches sur Internet, messagerie, construction de pages web, visio conférences...

¥ en proposant des formations aux parents des milieux les plus défavorisés afin qu'ils puissent dialoguer avec leurs enfants.

C'est à ce prix que l'École pourra prendre toute sa place dans sa lutte contre l'exclusion et la ségrégation.

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L'EPI

Jean-Bernard Viaud, président de l'association Enseignement public et informatique (Epi), répond à Profession Éducation.

Qu'est-ce que l'Epi ?

Association loi 1901, fondée en 1971, l'Epi regroupe les enseignants concernés par le développement de l'informatique et des technologies de l'information et de la communication (Tic) en général dans le système éducatif, de la maternelle à l'université. Elle publie une revue, un magazine électronique gratuit, des dossiers thématiques, des logiciels et offre un ensemble de services en ligne. Elle vient d'achever un cédérom "1 000 mots pour apprendre à lire" et sa bourse de diffusion et d'évaluation de logiciels est particulièrement appréciée.

 

Site : http://www.epi.asso.fr

Pourquoi y avait-il nécessité de créer une association ?

L'Epi a été créée par les premiers enseignants stagiaires chez trois constructeurs informatiques. Son premier slogan a été "l'informatique est trop importante pour qu'elle soit laissée aux seuls informaticiens". En effet, ces collègues ont rapidement compris que les problèmes pédagogiques devaient avoir la priorité absolue sur les problèmes techniques. La nécessité d'une association comme l'Epi, force de proposition et d'action, n'a cessé de se confirmer au fil des années. Les enseignants partageant le même objectif (utilisation mais aussi enseignement de l'informatique) et les mêmes valeurs, doivent pouvoir trouver des lieux d'échange et de réflexion en dehors des structures institutionnelles ou commerciales. Nous considérons que l'informatique et les Tic, convenablement maîtrisées, apportent beaucoup à l'acte d'enseigner et à celui d'apprendre. Mais à l'évidence des conditions doivent être remplies qui ne le sont encore que très insuffisamment : formation initiale et continue des maîtres, évolution des programmes et des conditions d'enseignement, logiciels répondant aux besoins réels, matériels en nombre suffisant et correctement maintenus, personnes-ressources dans les établissements...

 

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Enseignement et nouvelles technologies

Il y a cinquante ans, on parlait déjà de technologies nouvelles. Aujourd'hui, alors qu'elles se sont largement répandues dans le système éducatif, on peut se poser la question de leur banalisation et de leur apport au savoir et aux pratiques.

Les technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement exigent, pour qu'elles soient vraiment pertinentes dans un processus d'apprentissage, que chacun adopte une position critique par rapport à l'usage qu'il en fait.

Quoiqu'on en dise, les nouvelles technologies ne datent pas d'hier ! Dès les années cinquante, la plupart des grands pays industrialisés ont lancé des politiques éducatives promouvant l'usage des "technologies nouvelles" et, en premier lieu, les moyens audiovisuels d'enseignement. Des développements se sont produits, dès le début des années soixante, notamment dans le domaine de la télévision scolaire, au moment où les systèmes éducatifs étaient confrontés à la massification des effectifs, et où la rationalisation de l'enseignement par des dispositifs techniques (moyens d'enseignement, enseignement assisté par ordinateur) apparaissait comme possible.

Ensuite, à partir des années soixante-dix et jusqu'au plan "informatique pour tous" au milieu des années quatre-vingt, l'informatique a fait l'objet de politiques volontaristes, avec, souvent, des objectifs affichés de rénovation des disciplines scolaires. Depuis, le front de l'innovation s'est déplacé : les ordinateurs se sont banalisés, sont devenus multimédias ; les technologies de la communication, dont Internet est actuellement le représentant le plus en vogue, se sont répandues.

Si l'École n'a inventé aucun de ces outils, elle n'y est jamais restée indifférente, et s'est demandé avec plus ou moins de bonheur, à chaque apparition d'une nouvelle technologie, comment elle pouvait la mettre à son service. À chaque étape, la "nouvelle technologie" a parcouru toutes les hypothèses d'usage : auxiliaire d'exposé au service des enseignants, remplaçante du livre ou du cours magistral pour dire le savoir, répétiteur inlassable pour exercices d'application, outil d'apprentissage individualisé ou à distance, voire d'autodidaxie, offre d'apprentissage autosuffisant mis à disposition de l'apprenantÉ et toutes les combinatoires.

Les différentes études conduites sur l'appropriation des techniques par les éducateurs marquent toutes fortement la lenteur de la généralisation des usages, comme si chaque fois, une innovation chassant l'autre, celle qui apparaît efface la mémoire des usages de la précédente, et se présente comme la formule-miracle qui résout les difficultés antérieures...L'héritage ne se transmet que lentement, le transfert et la traduction demandent du temps. Et pourtant, les conditions ne sont plus ce qu'elles étaient.

du projet pédagogique à l'usage de l'outil

 

En ce qui concerne les équipements, en 1985, 5 % des foyers étaient équipés d'un ordinateur ; en 1997, l'Insee estime que suivant leur milieu social, 40 à 70 % des jeunes ont accès à un ordinateur. En 1998, trois quart des stagiaires sortant des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) disposent d'un ordinateurÉ Les politiques systématiques d'équipements collectifs, de mise à disposition de ressources diversifiées (établissements de tous niveaux et leurs centres d'information et de documentation, partenariat avec des collectivités territoriales ou des associations) et de facilitation des acquisitions personnelles portent leurs fruits. Mais quel sens donner à ces chiffres, sur la pratique effective des technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement (Tice), dans le milieu scolaire, tant les moyennes ne rendent pas compte des lieux d'implantation, des fréquences d'utilisation, et des usages réels.

 

 

Quant aux textes de programmes, ils permettent pratiquement à toutes les disciplines d'inclure, chacune avec sa spécificité, les technologies. Mais la liberté qu'ils autorisent n'a pas toujours été saisie et on ne peut pas parler d'usage banalisé : ainsi, la reconnaissance de l'image comme langage, inscrite dans les programmes du collège en 1985, a dû être reproclamée aux États généraux des langages en 1999 ! Les expérimentations conduites par des acteurs de "terrain", nombreux dans ce champ mais souvent isolés, les recherches sur les apprentissages menées par des équipes de laboratoires universitaires, des IUFM, de l'INRP, restent encore insuffisamment nombreuses, pour apporter des éléments qui renforcent les adhésions souvent encore "intuitives" des formateurs.

Et l'on peut comprendre que, dans plusieurs plans de formation des IUFM, les approches techniques restent la dominante, sans doute renforcée par l'accompagnement nécessaire des plans d'équipement et facilitée par la présence de "jeunes docteurs". Or la question n'est pas, comme le rappelait un collègue formateur : « J'ai un ordinateur, qu'est-ce que je vais faire avec ? », mais « Qu'est-ce que je veux faire ? Ai-je besoin d'un ordinateur pour le faire ? » C'est le projet pédagogique qui reste le garant d'un usage pertinent des outils, et de la hiérarchisation de leurs utilisations.

 

de la représentation à l'esprit critique

La manipulation des ressources audiovisuelles et informatiques demeure une condition de leur transformation en outils de travail pratiques et quotidiens, et reste donc un souci légitime de l'institution de formation. Mais les dispositifs techniques complexes ne s'intègrent pas spontanément dans les pratiques éducatives. Si l'on veut éviter la dérive technologique, la formation doit se centrer autour d'une réflexion sur l'apport des technologies à une construction des savoirs et aux pratiques d'enseignement dans une logique de construction de projet, tant dans des modules spécifiques en formation générale que dans les stages de pratique accompagnée.

Enfin, quelle que soit la qualité de cette réflexion didactique, on ne saurait minimiser dans la formation aux Tice la nécessité du travail sur les représentations tant des jeunes que des enseignants, représentations construites à partir des pratiques réelles tout autant que des opinions courantes du corps social.

 

Toute pédagogie intégrant les médias ne pourra démontrer leur pertinence comme outils d'apprentissage qu'à partir du moment où les enseignants auront opéré pour leur compte une "conversion" au niveau de leurs représentations, leur permettant de se resituer de manière critique dans le consensus social qui gouverne l'usage des technologies.

Est-ce un hasard si l'éducation aux médias (et son objectif de formation à l'esprit critique) ne tient plus la place qu'elle tenait il y a quelques dix ans dans les modules de formation ? La déferlante des jeux vidéo, l'invasion du marché par des images de toute nature, ne posent-elles pas pour les éducateurs les mêmes questions que celles que pose, depuis plus longtemps, la consommation de la télévision par le jeune ? Cette réflexion n'est-elle pas l'une des composantes de l'éducation à la citoyenneté ? Ne risque-t-on pas encore une fois, faute d'afficher dès la formation même un certain nombre de priorités, de négliger des enjeux sociaux et culturels essentiels ?

Le chantier de la formation reste ouvertÉ

Annette Bon

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Quand des élèves de segpa s'exercent sur la toile...

À la section d'enseignement général et professionnel adapté du collège Maupassant, à Limoges, tous les élèves travaillent avec et sur les nouvelles technologies de la communication. Non pas que ce soit la panacée pour répondre aux difficultés scolaires, mais parce que ces outils font partie de la vie.

A quelques jours du certificat de formation générale, les seize élèves de la 3e section d'enseignement général et professionnel adapté (Segpa) envahissent la salle informatique du collège Maupassant. Huit postes de travail sont disponibles. Certains vont donc s'asseoir à l'écart pour d'ultimes révisions ; ceux qui n'ont pas fini leur rapport de stage s'installent devant les écrans ; un petit groupe part sur le web à la recherche d'un site "moto" : Stéphane veut montrer à l'enseignant son dernier coup de cÏur. Et la salle ressemble vite à une ruche. Démir prépare le sommaire de son rapport de stage : frappe, polices et formats, texte centré, aligné ou en retrait. Son travail prend forme petit à petit. Un camarade vient l'aider, cherche avec elle les stratégies de mise en page. Au poste voisin, Cédric n'a plus qu'à faire l'illustration de sa couverture ; il a fait son stage dans une boulangerie et cherche dans les stocks d'images. Rien ne lui convient, il demande alors au petit groupe de "surfeurs" s'ils pourraient lui trouver quelque chose sur le web. Chacun y va de sa proposition sur les éventuels mots-clés à utiliser : pain, boulanger, métier ?

« Les nouvelles technologies ne changent pas fondamentalement les démarches d'apprentissage, explique Rémy, instituteur à la Segpa. Car si l'ordinateur constate l'erreur, il ne l'analyse pas. Cela ne dispense donc pas du travail pédagogique d'explicitation. Il y a un risque réel à contourner les obstacles, en obtenant un résultat satisfaisant sans pour autant avoir construit de savoir réutilisable. Mais les nouvelles technologies font partie de la vie des élèves. Il faut donc qu'ils comprennent, exploitent les avantages, maîtrisent les inconvénients. Les avantages, c'est par exemple produire de l'écrit propre, valorisant. On travaille donc dès la 6e sur les logiciels de bureautique, on fait des affiches, des invitations.

 

susciter la motivation

C'est aussi créer du lien social et pouvoir correspondre en temps réel avec la Segpa de Rochefort, comme le font les 5e. L'inconvénient, ce serait d'utiliser ces outils sans avoir de réflexion sur ce qui se passe. » Pour bien montrer que la magie n'existe pas, Rémy organise des ateliers bricolage : « on ouvre les machines, et on démonte, on change les cartes, on regarde tourner. »

Depuis cette année, vous pouvez aller sur le site de la Segpa. Chaque élève de 6e y a fait une page où il se présente. En utilisant les périphériques de l'ordinateur, il a intégré sa photo, et des objets animés illustrant ses centres d'intérêt. Le site ne demande maintenant qu'à être enrichi. « Comme pour toutes les activités scolaires, précise encore Rémy, il faut susciter et relancer la motivation. Quel que soit l'objet de production ou de recherche, la démarche reste la même : Il faut passer de l'objet au concept, trouver des chemins d'accès, procéder par hypothèses, corrections, confrontationsÉOn travaille sur ce qui les intéresse, musique, cinéma, sport : les élèves lisent et écrivent alors d'autant plus que le plaisir et l'envie sont là. »

Françoise Lebocey

 

 

Site de la Segpa : www.geocities.com/segpa_maupassant

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Pour une réelle évolution du métier de documentaliste

Les travaux personnels encadrés et les nouvelles technologies peuvent permettre l'évolution du métier de documentaliste.

Mais, faute de créations de postes en nombre suffisant, les élèves et les personnels risquent de ne pas bénéficier de cette avancée.

La nouvelle technologie au service des travaux personnels encadrés (TPE) permettra-t-elle aux documentalistes de mieux exercer leurs missions ?

Au lycée d'Auray qui comprend au total huit cent cinquante élèves, le centre de documentation et d'information (CDI) flambant neuf peut accueillir cent quarante élèves par heure.

Les élèves y ont en permanence à leur disposition treize mille ouvrages, sept mille revues référencées, onze micro-ordinateurs (quinze à la rentrée de septembre 2000) reliés au réseau d'établissement, des cédéroms, un accès à Internet en libre service et aux ressources de l'Intranet ; des conditions de travail vraiment enviables pour ce centre de documentation et d'information.

Deux documentalistes (dont le service est, pour l'une, de trente heures et, pour l'autre, de quinze heures) sont chargées de la politique d'acquisition, de l'indexation et de l'équipement des documents, du prêt informatisé, de l'accueil des élèves. Pas d'aide-éducateur, de personnel en contrat emploi solidarité, de technicien informatique dans l'établissement.

Les TPE, une chance ?

L'arrivée en 2000-2001 des TPE en 1re devrait théoriquement permettre de dépasser ces missions de gestionnaire et de jouer enfin pleinement le rôle de professeur, officiellement reconnu depuis la création du Capes de documentation.

Les textes officiels prévoient en effet une coopération étroite entre professeurs et documentalistes : initiation à la recherche documentaire dans la base de données du CDI, utilisation des moteurs de recherche sur Internet, initiation aux techniques de consultation des ouvrages de référence, tri et validation de l'information, classement et hiérarchisation des documents, sélection de l'information pertinente, rédaction du carnet de bord, des notes, élaboration de la bibliographie, rédaction du produit final, exposé oral, etc. Il semble pourtant que la situation risque d'être tout autre.

 

En effet, des choix vont devoir être faits au sein de l'établissement. Davantage sollicitées par les élèves et leurs professeurs, les documentalistes vont devoir, faute de création de postes, renoncer à certaines taches sous peine de dysfonctionnements au sein du CDI.

Comment co-animer les TPE (12 h hebdomadaires pour les six classes), et gérer en même temps les soixante à cent autres élèves présents dans le CDI ainsi que le prêt des documents ? Comment se placer en médiateur de l'information, assurer une mission d'ingénierie éducative et de veille documentaire sur Internet et régler au même moment les pannes continuelles des ordinateurs et des photocopieuses ? Comment aider l'élève à se familiariser avec l'outil informatique et couvrir et indexer environ mille livres par an ? Comment se concerter avec les collègues et continuer à animer des clubs de lecture, à organiser des expositions, à contacter des partenaires culturels extérieurs ?

une occasion ratée ?

L'introduction des travaux personnels encadrés pourrait permettre aux documentalistes d'être acteurs de cette innovation et de l'évolution de leur métier. Mais beaucoup craignent, parce que les tâches incontournables sont incompressibles, que leur rôle dans les travaux personnels encadrés se limite à un rôle de formateur de collègues dans les techniques de recherche et d'utilisation de l'information, de rédacteur de modes opératoires et de conseils à l'intention des élèves, et de gardien du temple de la documentation.

Mais peut-être que les conclusions de la première année de fonctionnement qui en seront tirées et l'extension des des travaux personnels encadrés aux classes de Terminale en 2001-2002, amèneront-elles des créations de postes de documentalistes en nombre suffisant ? C'est la condition nécessaire pour que cette avancée profite réellement aux documentalistes dans l'exercice de leur métier.

Isabelle Panelay

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DES ÉTUDIANTS EN LIGNE

Pouvoir donner et suivre un enseignement à distance, grâce aux nouvelles technologies, c'est ce qu'ont expérimenté ensemble l'Insa de Lyon et des étudiants de Grenoble. Récit d'une démarche exploratoire.

Les nouvelles technologies se moquent des distances ! Ainsi, grâce à Télésun, un projet financé par la Communauté européenne qui a pour objectif la mise au point d'environnements de télé-enseignement pour des disciplines relevant majoritairement des sciences de l'ingénieur, l'Institut national des sciences appliquées (Insa) de Lyon a développé un environnement de télé-enseignement du traitement numérique d'images.

Et ce sont des étudiants de maîtrise d'informatique de Grenoble qui ont ainsi pu suivre un module de vingt heures sans qu'aucun déplacement n'ait lieu de part et d'autre. La communication se faisait en temps réel à travers le réseau Internet (canal IRC permettant d'échanger des messages écrits à plusieurs, tableau blanc permettant d'échanger des dessins et courriers électroniques classiques). L'interaction est donc uniquement textuelle et graphique. L'examen final a été surveillé par un enseignant de Grenoble (un examen direct sous Internet sera prochainement disponible mais cela pose de nombreux problèmes liés à la légalité d'une telle procédure). Cet environnement a également été utilisé dans plusieurs établissements d'enseignement supérieur dont l'Insa de Lyon en support de cours et de travaux pratiques.

Un enseignement d'un nouveau type

Bien sûr, il ne s'agit que d'une expérience mais cela prouve que dans certaines matières, les nouvelles technologies permettent d'accéder à de nouveaux étudiants. Dans le cas précis de Grenoble, le déplacement de Lyon est évidemment possible même si cela induit un coût, surtout en temps, non négligeable.

L'objectif était celui de la faisabilité, le public visé étant plutôt celui des centres délocalisés en France ou celui des pays en voie de développement où il n'est pas toujours possible de trouver ou de faire venir un enseignant chercheur spécialiste d'un domaine donné. Rien n'empêche cet enseignant de s'adresser lors d'une même séance à des étudiants situés en des lieux différents.

Ce type de démarche demande à progresser et a encore de nombreuses limites. Elle s'adresse à un petit groupe car cela ressemble beaucoup plus à des travaux pratiques qu'à un cours ; le réseau informatique doit avoir de bonnes capacités de réponse ; le support papier devient inutile car le cours est en constante évolution et surtout son aspect interactif ne peut pas être rendu dans la structure d'un livre ; cette absence perturbe beaucoup les étudiants que le support papier rassure (même s'ils ne l'ont jamais regardé) ; enfin, l'interface textuelle et graphique a, elle aussi, ses propres limites (en regard d'une communication orale et/ou visuelle) mais vers la fin du cours, il semble que les intervenants soient plus aptes à communiquer avec ce nouveau type de média, il s'agit donc plus d'un problème de pratique que d'une vraie limite.

Si ce type de démarche venait à se développer, il faudrait aussi penser à l'intégration de cet enseignement non présenciel dans le service statutaire des enseignants chercheurs (pour le moment, la participation des enseignants chercheurs à cette expérience n'a donné lieu à aucune déclaration d'heures compte tenu de l'aspect exploratoire de cette démarche).

Jean-Michel Jolion

Site Internet : http://telesun.insa-lyon.fr

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UN LYCÉE INFORMATISÉ

Cartes et cartables électroniques, le lycée Charles-De-Gaulle de Muret, en Haute-Garonne, s'est lancé dans l'informatisation.

Effets de la modernité sur la vie quotidienne des enseignants et des élèves en lycée.

Dès sa création il y a une dizaine d'années, le lycée Charles de Gaulle, à Muret dans la banlieue de Toulouse, a été informatisé.

Les élèves et les personnels utilisent tous une carte à puce sans contact personnelle &endash; la carte Lycéoduc - pour payer les repas à la cantine, faire des photocopies, consommer à la cafétéria et dans les distributeurs de boissons, se connecter sur le réseau pédagogique grâce aux trois cents ordinateurs environ installés dans le lycée. Chaque membre du personnel, chaque élève a un "cartable électronique", c'est-à-dire un espace disque réservé et confidentiel.

Une charte de bon usage du réseau et d'Internet a été élaborée et doit être signée par tous les utilisateurs. Elle garantit le secret et l'adhésion aux principes de la Commission informatique et libertés : une commission locale informatique et liberté a été créée.

La grande originalité de ce lycée est de permettre l'accès aux ressources pédagogiques (logiciels, cédérom, etc.) ainsi qu'à d'autres informations plus pratiques via un modem ou via n'importe quel ordinateur dans l'établissement.

travailler autrement

Les élèves peuvent enregistrer leur travail grâce au cartable électronique, travailler en autonomie depuis leur domicile et adresser leurs devoirs par messagerie aux professeurs.

 

Même si de plus en plus d'élèves possèdent un ordinateur équipé de modem, il reste à trouver des financements pour pouvoir permettre à tous les élèves de se connecter. Il ne s'agit pas de cours virtuels ou de professeurs virtuels : les nouvelles technologies de l'information et de la communication sont en complément des pratiques pédagogiques traditionnelles.

Quant aux enseignants, ils doivent utiliser le réseau pour l'appel des élèves et pour la saisie des notes depuis les lieux de cours. À la rentrée, il est prévu d'expérimenter un cahier de texte électronique.

La principale interrogation est la gestion de ce système : la présence d'enseignants à temps partiel à côté d'informaticiens est nécessaire. N'importe quel enseignant peut être muté dans ce lycée, il est donc important que la formation à l'utilisation des techniques de l'information et de la communication pour l'enseignement et d'Internet soit organisée de façon permanente. Tout un dispositif à mettre en place pour en assurer la continuité.

Patrick Salvadori

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L'ENSEIGNEMENT ET LES MÉDIAS

Pour Profession Éducation, Alain Touraine analyse l'effet de l'arrivée des nouvelles technologies sur le rôle de l'enseignant, « médiateur par excellence ». Pour lui, ces nouvelles techniques vont permettre d'enrichir l'enseignement. Regard de sociologue.

L'effet principal des médias de tous les types est de dissocier les messages de leur contexte social et culturel, ce qui est à la fois mauvais et bon. Mauvais, car cette dissociation peut être artificielle et introduire des interprétations qui éliminent toute logique sociale, au nom d'une lecture émotionnelle et faussement universaliste. Bon aussi, car ce mouvement participe d'une tendance plus générale de la modernité qui élimine les cadres et les normes sociaux au profit de "l'individualisme moral" dont parlait Kant, et plus concrètement d'une prise en compte des caractéristiques personnelles de ceux à qui on adresse des messages. Les médias n'ont d'effets que s'ils sont relayés par des médiateurs dans de petits groupes.

L'enseignant est le médiateur par excellence. Son rôle n'est pas diminué par les médias ; il est modifié. Il est de remplacer les connotations sociales et culturelles des messages classiques par une communication individualisée, par la prise en compte à la fois de la généralité du message et de la particularité de sa réception par chaque élève ou étudiant. Il n'y a aucun paradoxe à dire que le recours aux médias individualise la communication.

Mais cette nouvelle forme d'enseignement est en effet bien différente de celles dont nous avons l'habitude et qui cherchent à dégager l'élève de son milieu particulier pour le mettre en rapport aussi directement que possible avec des valeurs universelles, et en premier lieu avec la connaissance scientifique et avec de grandes Ïuvres culturelles ayant atteint une reconnaissance sinon universelle, du moins très large.

Il existe un danger dans l'emploi des multimédias : céder aux plaisirs et aux difficultés de l'instrumentalité ; mais il n'est pas pire que celui des méthodes traditionnelles qui sont très instrumentales, par exemple dans l'étude des langues où l'apprentissage de la grammaire fait souvent écran à la rencontre d'un texte.

Inversement, l'enseignant est amené, par l'emploi des médias, à reconnaître la diversité des démarches qui peuvent conduire au même résultat ou au même but. Le recours aux nouvelles technologies diversifie les modes de transmission des messages ; il ne massifie pas la communication ; au contraire, il l'individualise, du simple fait que la participation de chacun est plus active.

 

L'enseignement devient alors communication et non plus initiation. Il ne place plus l'élève devant les statues des grands textes ou des grandes lois scientifiques. Il lui fait de mieux en mieux comprendre le processus des connaissances qui mène à atteindre aussi bien des résultats scientifiques que le savoir des sciences humaines ou celui des "sciences de l'esprit", pour garder la tradition allemande de distinction de trois types principaux de connaissances.

Il n'y a aucune raison de penser que l'utilisation des nouvelles techniques diminue la place de la connaissance et de l'apprentissage dans l'enseignement, comme s'il s'agissait de remplacer la mémorisation par le jeu, deux solutions également mauvaises.

De nouveaux langages doivent servir à transmettre non seulement de nouvelles connaissances mais surtout le processus d'acquisition de ces connaissances. Il s'agit simplement de renforcer la part des "travaux dirigés" par rapport au cours magistral dans l'enseignement. Ce qui doit élargir la participation active des élèves : au lieu d'écouter, ils construisent une démarche de connaissances. Souvent même, y compris dans l'enseignement à distance, les élèves ou étudiants communiquent entre eux, se rencontrent même, et l'enseignant a plus de rapport personnalisé avec les élèves éloignés que dans la classe traditionnelle. Il ne faut surtout pas opposer le face-à-face, qui se réduit souvent à l'écoute passive, à l'emploi de techniques qui semblent faire écran à ce face-à-face et qui le plus souvent font appel à des conduites plus actives.

 

Alain Touraine

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